Pourquoi Eugène Viollet-le-Duc s'est-il fait représenter en saint Thomas au pied de la flèche de Notre-Dame de Paris ?

Retour de la statue de saint Thomas sur les rampants de la flèche de Notre-Dame de Paris

Emmenée dans un atelier de la Socra pour être restaurée, quatre jours avant l’incendie de Notre-Dame de Paris, la statue de saint Thomas fait figure de miraculée. Elle vient de faire son retour, par la voie des airs, sur les rampants de la flèche, à côté des autres statues d'apôtres. Mais pourquoi Eugène Viollet-le-Duc a-t-il choisi de lui prêter ses traits plutôt qu'à n'importe quel autre ? Parce qu’il est l’éternel incrédule et surtout le saint patron des architectes. Jean-Baptiste Lassus a fait de même au pied de la flèche de la Sainte-Chapelle, et c’est le même artiste, Adolphe-Victor Geoffroy Dechaume, qui a sculpté les deux statues.

Portrait d'Eugène Viollet-le-Duc par Nadar et statue de saint Thomas par Adophe-Victor Geoffroy Dechaume

L'histoire de saint Thomas, racontée dans la « Légende dorée », nous éclaire sur la perspective dans laquelle se situaient les architectes gothiques. Une perspective où les cathédrales étaient moins une fin en soi que des miroirs de notre vocation divine.

À Césarée, saint Thomas rencontre un dénommé Abbanes, qui cherche un architecte capable de construire un palais à la romaine pour son roi en Inde. L’apôtre le suit. À son arrivée, le roi lui montre les plans du palais qu’il souhaite. Mais à peine ce dernier est-il parti pour une autre province, Thomas distribue l’argent qu’il lui a laissé aux pauvres. Il prêche tant et si bien qu’il parvient à convertir une grande partie de la ville. À son retour, le roi, furieux, le jette en prison. Il s'apprête à le faire écorcher vif, quand son frère, mort depuis peu, lui apparaît en songe : « J’ai vu le palais que Thomas te destine », lui dit-il. Le roi délivre alors Thomas en le suppliant de construire son palais. À quoi le saint répond : « Il y a dans le ciel d’innombrables palais préparés depuis l’origine des temps et qui s’acquièrent par la foi et l’aumône. Quant à vos richesses, elles peuvent bien vous y précéder, mais elles ne peuvent vous y suivre. » Il serait mort transpercé par une lance, au pied de la croix devant laquelle il priait.